mercredi 3 février 2010

Invitation : Sébastien Humbert

Après la conférence de Bernard Teper sur le système de santé, le Cercle Jean-Jaurès s’intéresse à un problème de société qui transcende largement les appartenances politiques, celui de l’insertion des personnes handicapées.

Pour nous en parler, nous convions Sébastien Humbert, fonctionnaire à la trésorerie de Lons-le-Saunier, délégué départemental de l’Association pour l’aide au handicap au sein du Ministère des Finances (APAHF) du Jura et par ailleurs membre de notre Cercle.

La thématique de notre soirée soirée sera donc : « L'insertion des personnes handicapées physiques : un défi pour la société»

Cette conférence aura lieu le : Mardi 23 février 2010 à 20h au Centre social de Lons-le-Saunier

vendredi 29 janvier 2010

Compte-rendu de la conférence de Bernard Teper

Politique de santé : quelles alternatives aux politiques néolibérales actuelles ?

Bernard Teper est le secrétaire national de l'Union des familles laïques (UFAL). Il a coordonné un livre intitulé Santé-Assurance-maladie : quelles alternatives au néolibéralisme ? paru en 2004 aux Editons Mille et une nuits. Il a co-fondé et animé les Etats généraux de la santé et de l'assurance-maladie (EGSAM) ainsi que le Collectif national contre les franchises, pour l'accès aux soins partout et pour tous et pour une sécurité sociale solidaire.

L’UFAL est un mouvement d’Education populaire. C’est très important pour moi de repartir de la base, au plus près des couches populaires car il s’agit pour nous de partir à l’assaut des consciences. Nous devons, comme le préconisait Gramsci, gagner le combat culturel, retrouver l’hégémonie politique pour ensuite pouvoir gagner le pouvoir politique.
Notre thématique de ce soir est extrêmement importante et pourtant trop peu comprise et débattue sur la place publique. Sachez que le budget de la Sécu (425 milliards d’euros) est supérieur au budget de l’Etat (300 milliards d’euros). L’ensemble de la protection sociale (sécu + chômage + handicap + personnes âgées) représente 540 milliards d’euros par an soit 31% du PIB de la France ! Peu présentes dans les campagnes électorales, ces questions sont fondamentales pour nos concitoyens.

1. Les fondements de la Sécurité sociale

Tout commence en 1943 avec la fondation du Conseil National de la Résistance (CNR). Il s’agit à l’époque de mener la bataille militaire, bien sûr, mais aussi de préparer un projet politique pour l’après-guerre.
Les ordonnances créant la sécu datent d’octobre 1945, sous le gouvernement d’union nationale dirigé par le Général de Gaulle. C’est le principe de solidarité républicaine qui est à la base de la sécu : chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. On en est loin aujourd’hui…
En effet, dès les années 1950, autour de la société du Mont Pèlerin et de Van Hayek, certains milieux préparent la contre-révolution néolibérale que nous subissons depuis 40 ans.

2. Comment a-t-on détruit ce principe de solidarité républicaine ?

De 1945 à 1967, rien ne change. La sécu est gérée par les représentants élus des assurés sociaux. Ce n’est ni l’Etat, ni le marché qui décident.
La réforme de 1967 est la première étape de ce processus de contre-réforme. En effet, c’est le début du paritarisme (gestion 50% du patronat, 50% des syndicats). Mais les attaques ne viennent pas que de la droite.
En 1983, le vers est déjà dans le fruit avec l’introduction des premières franchises et du forfait hospitalier.
En 1995, la réforme Juppé fait entrer la sécu dans l’air de l’étatisation avec la création des Agences Régionales d’Hospitalisation (ARH), structure totalement bonapartiste au service de la marchandisation de l’hôpital : ce qui est rentable passe dans les cliniques privées, ce qui ne l’est pas reste dans l’hôpital public.
En 2001, le cadre juridique des mutuelles est aligné sur les règles assurantielles.
En 2002, c’est l’accélération de la privatisation avec le plan Hôpital 2007 est la tarification à l’acte (T2A).
En 2003, c’est la montée en puissance des mutuelles privées.
En 2004, l’augmentation des franchises entrainent une forte hausse de la renonciation aux soins, estimée aujourd’hui à 17% des Français. Cette pratique est totalement contre-productive car les pathologies deviennent plus lourdes, traitées tardivement et à l’hôpital d’où un surcout pour la sécu…
En 2008, le taux de remboursement de la sécu passe à moins de 75%

3. Le « trou » de la sécu

Rappelons que 6% de la population représentent 52% des dépenses de la sécu, mais bien sûr, ces 6% ne sont pas toujours les mêmes.
Ce qui coûte cher, ce sont les pathologies lourdes et la fin de vie. C’est pourquoi le privé fait tout pour exclure ces cas-là en draguant les jeunes qui ne coûtent rien !
La sécu avait une double solidarité : solidarité selon les revenus et solidarité selon l’âge. Aujourd’hui, on est passé du principe de solidarité à la gestion du risque, renvoyant chacun à sa propre personne.
Alors ce trou n’en est pas un ! Il y a simplement eu sur 25 ans le déplacement d’un peu moins de 10% de la richesse produite en France des salaires (et donc des cotisations) vers les profits. Ce manque à gagner représente 170 milliards d’euros par an ! Pour information les prévisions du « trou » de la sécu pour cette année sont de 30 millions de déficit…seulement.

4. Les retraites

Je ne rentrerai pas dans le détail ici car les logiques sont les mêmes que pour la santé. Rappelons-nous que les retraites ont 3 manettes :
• Le montant des prélèvements
• Le montant des retraites
• La durée de cotisation
Si on considère, comme les néolibéraux, que les deux premiers outils sont intouchables, alors en effet il ne reste que la durée de cotisation dans le débat ! Je refuse cette logique, il faut discuter des trois manettes d’intervention !

5. L’actualité des contre-réformes

La loi Bachelot ou HPST accentue les dérives déjà observées :
• l'Hôpital devient véritablement une entreprise
• création de Communautés Hospitalières de Territoire (CHT) qui permet de justifier la fermeture des maternités et hôpitaux de proximité
• création des Agences Régionales de Santé (ARS), paroxysmique de ces méthodes bonapartistes au service du néolibéralisme.
Précisons aussi que le récent projet de financement de la sécu a légalisé, avec accord de presque tous les syndicats, le secteur dit optionnel qui pratique les dépassements d'honoraires.
On comprend bien ainsi que l'étatisation du système n'a été qu'une étape nécessaire pour accomplir sa privatisation actuelle et à venir si rien ne change. Le processus de marchandisation de la santé se poursuivra à moins qu'un sursaut civique, une insurrection des consciences se fassent jour. Il faut donc intensifier, ce que nous faisons ce soir, notre grande campagne d'éducation populaire, mais aussi présenter un projet alternatif.

6. Un projet alternatif :

• Il faut sortir d'une logique de soin pour avoir une logique de santé. Ce ne sont plus les maladies infectieuses qui présentent le plus de problèmes aujourd'hui en France mais les maladies chroniques qui demandent certes des soins mais aussi et surtout de la prévention.
• Il faut mieux répartir les richesses, augmenter les salaires et donc la part des salaires dans le PIB pour retrouver des marges de financement de la sécu.
• Le remboursement de la sécu à 100% doit être un objectif. Rien d'impossible, les règles concordataires de l'Alsace-Moselle le rendent effectifs dans 3 départements français, pourquoi pas partout ailleurs ?
• Il faut rétablir les élections à la sécu et que les représentants des assurés soient aux manettes de la gestion
• Il faut une recherche pharmaceutique dans le public et pour le public, cela éviterait l'intox de la grippe H1N1...
• Pour rééquilibrer la démographie médicale et refuser les « déserts médicaux », nous proposons un numerus clausus régional qui surdorerait les régions déficitaires et obligerait les nouveaux médecins à accomplir 5 ans de service dans leur région de formation.
• Il faut arrêter la fermeture des maternités et hôpitaux de proximité. Ce sont les personnels médicaux et non les patients qui doivent se déplacer.

Conclusion

La protection sociale est victime de la privatisation-marchandisation et cela risque bien de s'amplifier tant la volonté de détricoter la sécu de 1945 est forte dans les milieux patronaux.
Le monde de la santé est au centre de l'attaque néolibérale car c'est un secteur qui permettrait d'augmenter leurs profits.

Références :

- un article de Denis Kessler qui dit tout haut ce que le droite fait tout bas : http://www.challenges.fr/opinions/1191448800.CHAP1020712/adieu_1945_raccrochons_notre_pays_au_monde_.html

-le manifeste EGSAM : http://www.ufal.org/egsam/manifeste.pdf

vendredi 1 janvier 2010

Invitation : Bernard Teper

Pour sa première conférence en 2010, le Cercle Jean-Jaurès recevra Bernard Teper, le secrétaire national de l'Union des familles laïques (UFAL).

Il a coordonné un livre intitulé Santé-Assurance-maladie : quelles alternatives au néolibéralisme ? paru en 2004 aux Editons Mille et une nuits. Il a co-fondé et animé les Etats généraux de la santé et de l'assurance-maladie (EGSAM) ainsi que le Collectif national contre les franchises, pour l'accès aux soins partout et pour tous et pour une sécurité sociale solidaire.

Aussi notre thématique pour cette soirée sera la suivante : « Politique de santé : quelles alternatives aux politiques néolibérales actuelles ? »

Cette conférence aura lieu le : Mercredi 27 janvier 2010 à 20h au Centre social de Lons-le-Saunier

Dossier « Politique de santé : quelles alternatives aux politiques néolibérales actuelles ? »

Pour préparer la venue de Bernard Teper, un court dossier sur les questions qu'il traitera le 27 janvier prochain.

Un dossier fourni est disponible sur les sites de l’UFAL :
http://www.ufal.org/index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=37&Itemid=75
http://www.ufal.info/media_sante/index.htm

Sur la question du déficit de la sécurité sociale :
http://www.laterre.fr/article.php3?id_article=336

Sur la défense des hôpitaux publics :
http://www.lepost.fr/article/2008/11/26/1338857_bernard-teper-ou-plutot-merci-bernard.html

Sur les retraites :
http://www.plumedepresse.net/spip.php?article1226

vendredi 11 décembre 2009

Compte-rendu de la conférence de Jean-Philippe Huelin

Reconquérir les couches populaires, une nécessité pour la gauche

Un grand merci d’abord aux participants à cette conférence : vous êtes les fidèles et je suis particulièrement fier de vous présenter le fruit de mon travail. Merci également à Yves Ayats, trésorier du Cercle et à Gaël Brustier, mon ami, que vous connaissez puisqu’il a déjà été notre invité et qui est le coauteur de « Recherche le peuple désespérément ».

L’objectif de ce livre est simple et modeste : faire le bilan de santé des couches populaires en France après plus de vingt ans de néolibéralisme. Pour ce faire, il faut dans un premier temps se départir d’un mythe : celui de sa disparition dans une vaste classe moyenne. Ce mythe entretenu par droite et gauche depuis que VGE a théorisé l’accession à cette classe de « Deux Français sur trois », a définitivement vécu.

Ce peuple constitué d’employés et d’ouvriers compte toujours pour 60% de la population active. Politiquement, il a fait la décision pour le « non » au TCE en 2005 et l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007. C’est cet apparent paradoxe que nous avons voulu éclaircir en essayant de redonner à ces couches populaires une conscience de son existence et aux dirigeants politiques, surtout pour ceux de gauche puisqu’ils prétendent les défendre, une boussole sociologique. Aussi notre étude est à la fois sociologique et géographique.

1.Les ravages de la globalisation sur les couches populaires

En plus de l’augmentation du chômage, d’autres éléments démontrent le creusement des fractures sociales en France :
• La montée des inégalités en matière de revenus et de patrimoine.
• La stagnation des salaires depuis le milieu des années 1990. Quelques chiffres édifiants : le salaire net moyen d’un ouvrier est aujourd’hui de 1000 euros, il est de 900 euros pour un employé et de 650 euros pour un salarié à temps partiel.
• La baisse du rôle redistributeur de l’Etat est pour l’instant compensée par une redistribution de la richesse entre générations. Les ainés financent les plus jeunes mais cet équilibre précaire ne peut être que temporaire.
• Le drame des personnes touchant des petites retraites avec l’augmentation des suicides chez les personnes âgées.
• La pénibilité du travail, rendue médiatique par les suicides de cadres chez Renault ou France Télécom, est subie par tous. Le nouveau productivisme de l’après 35 heures est une calamité pour le monde du travail avec l’augmentation des troubles musculo-squelettiques.
• La précarisation des contrats de travail explose : +60% pour les CDD, +65% pour les stages et les emplois aidés, +130% pour les intérims.
Comment ne pas voir que les perdants de la mondialisation néolibérale sont de plus en plus nombreux et que le déclassement, cette incapacité à maintenir la position sociale des ascendants, est une réalité tragique de notre temps.

2.Une nouvelle géographie sociale et politique

a)Un monde vu des centres-villes

La hausse du prix de l’immobilier est une donnée fondamentale. Elle témoigne de la volonté de repli des élites sur elle-même dans des centres-villes douillets qui sont devenus de véritables ghettos de riches.

Or le monde d’aujourd’hui est analysé, est vu depuis ces endroits privilégiés. Ainsi, les élites réduisent par exemple le débat sur la pauvreté à celui sur les exclus et les SDF, celui sur la relégation sociale à celui sur les banlieues.

Ce processus de gentrification des centres est loin d’être une chimère. A Paris, les couches populaires qui représentaient 65% de la population en 1954 ne représentent plus que 35% des Parisiens de l’âge Delanoë.

b)La France périphérique oubliée

Cette France périphérique est constituée de l’espace périurbain et du monde rural. Il regroupe une très forte majorité de la France ouvrière. On comprend ainsi mieux pourquoi les élites urbaines ont une vision post-industrielle de la société française : ils ne voient tout simplement plus d’ouvriers !

Depuis le XIXe siècle, la gauche a un problème avec le monde pavillonnaire, or la volonté d’acquérir un pavillon est plébiscitée par les Français. Ne sachant penser un individualisme populaire, la gauche a laissé le terrain libre au candidat Sarkozy en 2007. Ce processus de périurbanisation s’est donc développé sans elle : cela concerne dans les années 60 très majoritairement les classes moyennes avant que les classes plus populaires se ruent vers cet espace périurbain dans un contexte d’augmentation du prix de l’immobilier dans les villes-centres. La précarisation économique de ces populations s’est accompagnée d’une certaine « droitisation » de l’électorat périurbain, comme si cette France des « petits moyens » voyait les barres et les tours des grands ensembles (dont elle est partie à grand peine ou qu’elle craint) se rapprocher de ces pavillons-refuges.

Le monde rural ne doit pas se résumer au monde agricole. Notons qu’il y a 35% de la population active de l’espace rural qui est ouvrière pour seulement 8% qui travaille dans l’agriculture. Cet espace est d’autant plus important aujourd’hui que nous sommes passés de l’exode rural à l’exode urbain. Loin de l’image d’Epinal de néo-ruraux friqués qui voudraient redécouvrir leurs « racines paysannes », les nouveaux arrivants le sont majoritairement malgré eux : cet espace devenant le seul à offrir des prix décents pour se loger.

Conclusion

Pour retrouver le peuple, la gauche doit apprendre à savoir qui il est, où et comment il vit. La mondialisation néolibérale a grandement fragilisée cette France périphérique, refuge des couches populaires. Il y a donc dans notre pays une base sociologique populaire, précarisée et déclassée qui attend des réponses de la gauche. Nous devons construire une coalition sociale majoritaire qui donne aux forces progressistes et populaires les moyens de revenir au pouvoir dans la durée, seule façon de véritablement transformer la donne.

Débat avec la salle :

• Il est clair que la « conscience de soi » populaire a été rognée depuis une trentaine d’années. La fin des citadelles ouvrières, le mythe de la classe moyenne, le consumérisme… tout cela a balayé cette « unité de classe » qui était le principal socle du vote communiste. Aujourd’hui, c’est autour de l’analyse des ravages de la globalisation sur des pans entiers de notre société qu’il faut rebâtir une conscience collective populaire.
• Le monde rural est un espace qui s’est fragilisé et a perdu en visibilité médiatique. Il n’est plus l’humus de la vigueur nationale. Il apparaît comme un espace résiduel, un espace ludique pour citadins en goguette. Alors que se population augmente, son développement n’est possible qu’à condition que les péréquations financières entre ville et campagne demeurent voire qu’elles soient plus favorables au monde rural. Ce ne semble pas être le sens pris par les réformes gouvernementales…
• Le bilan des 35h est clairement négatif pour les couches populaires : stagnation des salaires, dégradation des conditions de travail, augmentation des souffrances et des accidents au travail. Il y a un nouveau productivisme post-35h en France qui est plus qu’un effet pervers de la réforme Aubry.
• Je pense que la décroissance doit être populaire au sens où elle n’est pas du tout en contradiction avec une vie meilleure pour les couches populaires. Ce n’est pas une lubie de bobos qui ignoreraient le chômage pour reprendre une vision sarkozyste ! Au « toujours plus », il faut substituer le « toujours mieux » ! Cela peut effectivement passer par la gratuité pour les services publics de base (élargie…) et par un mode de vie qui redonnerait toute sa place à la vertu toute révolutionnaire de frugalité.
• Pour donner un tour plus concret à nos échanges, il y a, à mon sens, cinq points qui devraient se trouver dans un programme présidentiel qui voudrait retrouver le peuple :
- La frugalité de tous contre l’orgie néolibérale réservée à quelques uns.
- Le salaire maximum comme déclinaison radicale de cette volonté.
- Le bouclier rural pour protéger l’égalité républicaine entre les territoires.
- Le protectionnisme européen pour éviter la désindustrialisation totale de notre pays et de notre continent.
- Le retour à l’égalité comme vecteur de l’émancipation sociale.