mercredi 30 janvier 2008

Compte-rendu de la conférence de Michel Vernus

Le combat pour la République en France et dans le Jura au XIXe siècle

Le combat pour la République au XIXème siècle est dans la poursuite du cycle révolutionnaire pendant lequel le régime républicain a rejailli du fin fond des âges. Si elle est née pendant l’Antiquité, notre République s’inspire surtout du siècle des Lumières avec son opposition farouche à l’absolutisme royal.
Pour emporter l’adhésion du pays, l’idée républicaine a due gagner à sa cause les campagnes françaises. A cet égard, notre département rural du Jura va nous permettre de mieux comprendre le sens et les étapes de ce combat pour la République.

1.Jules Grévy, président de la République, républicain et jurassien

Pour Jules Grévy, le souvenir de la Révolution s’est transmis au sein de sa famille oralement et par écrit. Dans les campagnes comme le Jura, elle suscite enthousiasme et peur (la Terreur).
Jules Grévy fut le premier président républicain de la République troisième du nom. Il l’a été 9 ans de 1879 à 1886. Pendant cette période, les piliers du régime ont été mis en place. De même que Jule Ferry ou Léon Gambetta, Grévy est un républicain qui rassure la population et c’est là l’objectif des républicains : ne plus faire peur. « Je ne veux pas que la République fasse peur » dit Grévy dès les années 1830.

2.Cheminement de l’idée républicaine au XIXème siècle

Pour réussir à s’imposer, pour réussir à transformer l’essai de la période révolutionnaire, la République doit engager un long combat qui dure près d’un siècle.

a)La République clandestine (1805-1848)

Pendant ce premier 19ème siècle, la République est un régime honni et comparé à la période de la Terreur. Ses défenseurs sont rares car poursuivis par la police tant impériale que monarchique. Cette République clandestine se renouvelle dans des idéologies naissantes avec le siècle comme le socialisme inventé par Pierre Leroux en 1833.
Dans les campagnes, des sociétés républicaines au recrutement populaire survivent : celle d’Arbois compte même 600 adhérents en 1831.

b)La Deuxième République et le Second Empire 1848-1870)

La 2ème République est éphémère (3 ans) car la France n’est pas encore républicaine, le suffrage universel que les Républicains ont instauré par naïveté le montre. Dès les élections de juin 1848, les résultats entrainent la méfiance entre les ouvriers qui se détachent de « la Sociale » et les bourgeois qui craignent les « Rouges » ; les libertés publiques gagnées en février sont rognées dès juin. La France entre dans la République conservatrice qui voit la division des Républicaines entre les radicaux (les « rouges ») et les modérés (les « bleus »), dont fait partie Grévy. Très vite d’ailleurs, les « rouges » entrent en clandestinité (la Charbonnerie survit par ses écrits et sa presse pourchassées par le pouvoir).
L’idée républicaine se réfugie dans des sensibilités existantes (Proudhon, Fourrier, Icariens…). Le coup d’Etat du 2 décembre 1851 exile près de 20 000 républicains qui se dispersent en Europe. Le courant communiste de Cabet (originaire de Bourgogne) essaime grâce à des brochures distribuées par des colporteurs dans les milieux artisanaux (charrons, maréchaux-ferrant) dont l’organisation facilite la propagande.
Jules Grévy est élu député au Corps législatif en 1868, il est le 5ème député républicain élu pendant l’empire de Napoléon III.

c)La Troisième République

L’expérience de 1848 a été longuement méditée par les Républicains qui donc se méfient et rejettent l’élection d’un président au suffrage universel. Les deux premiers présidents, élus par les Assemblées, de cette République (Adolphe Thiers et Mac-Mahon) sont d’ailleurs des monarchistes qui se donnent pour mission, comme la majorité monarchiste de la Chambre des députés, de convaincre le comte de Chambord de prendre le pouvoir et de restaurer la monarchie. Le septennat est d’ailleurs créé pour donner du temps à cette opération mais le problème du drapeau blanc sauve la République.
Léon Gambetta et les Républicains mènent un combat politique pendant toutes cette décennie 1870 pour ancrer la République dans les consciences ; le nombre de républicains augmente régulièrement à la Chambre comme au Sénat. A cet égard, l’élection de Grévy à la présidence est un aboutissement : les Républicains sont maîtres de la République.
La République s’installe donc avec à sa tête ceux que l’on appelle les Républicains opportunistes, alors que les Républicains radicaux occupent une opposition de gauche avant de prendre le pouvoir à la fin du siècle. Les vingt ans entre 1879 et 1899 voient les grandes lois républicaines aboutir : presse, syndicat et Ecole. Il ne manque que la loi sur les associations et celle de Séparation pour parachever l’œuvre des Républicains.

3.La République comme bataille culturelle

Pendant ce siècle, il y eu une myriade d’associations et de réseaux qui ont diffusé l’idée républicaine :
•La Franc-maçonnerie, présente à Lons, Dole et Saint-Claude au recrutement bourgeois
•La Libre pensée, la plus influente, la plus populaire dans son recrutement dans les milieux urbains et ruraux
•La Ligue des Doits de l’Homme
•Le réseau des bibliothèques populaires qui diffuse de la littérature républicaine

Les républicains disposent d’autres moyens : les commémorations, les fêtes, les banquets et autres symboles mais c’’est un combat très rude entre deux France comme le montre l’Affaire Dreyfus.

Aujourd’hui encore, la République est un combat qui doit continuer :
•La laïcité
•L’équilibre exécutif / législatif
•La contestation sociale ou lutte des classes comme dépassement de principes abstrait pour devenir des réalités concrètes.

Les thématiques abordées dans le débat avec la salle ont été :

•La notion de bataille culturelle
•L’éducation comme mode de défense de la République et du rôle de l’instruction civique
•Fin de l’idée républicaine dans le monde d’aujourd’hui ?
•La part des utopies dans ce combat
•La gauche d’aujourd’hui est-elle rassurante ?
•Développement sur la République arboisienne de 1834
•La notion d’internationalisme
•La culture populaire

Conclusion par Jean-Philippe Huelin, président du Cercle Jean-Jaurès

Ce qui me parait très intéressant dans le propos de Michel Vernus, et que l’on oublie trop souvent, c’est cette période où l’idée républicaine, pourtant érigée et à cause de cela même comme un modèle et un aboutissement révolutionnaire, devient une option politique interdite et combattue par les Empires personnalisés et la Monarchie restaurée. Cette « République des Catacombes » a demandé à ceux qui la défendaient un tel sacrifice qu’ils me font penser à nos Résistants de la dernière guerre mondiale. Ils sont, plus que d’autres encore, admirables.

On devrait ici faire une étude médiologique, discipline inventée par Régis Debray, pour aborder la force performative de l’idée républicaine. C’est-à-dire comprendre par quels moyens et selon quelles étapes l’idée de République se transforme en régime républicain ; c’est ce qu’il y a entre l’idée et la réalisation de cette idée.

D’autres thèmes ont retenu mon attention et pourraient faire l’objet d’autres réunions de notre cercle :
•La question de la bataille culturelle invite à relire Antonio Gramsci qui avait théorisé la notion de combat pour gagner l’hégémonie culturelle qui est la condition à la victoire politique. Nous avions vu lors de notre première réunion en juin dernier comment Nicolas Sarkozy y est parvenu à la dernière élection présidentielle.
•Les rapports entre lutte des classes et République, question ancienne un temps résolue par Jaurès, semble se reposer à notre société ainsi que le cadre internationaliste pour la lutte socialiste.
•Les rapports entre l’utopie et l’idée socialiste.
•La question scolaire et plus particulièrement celle de l’instruction civique mérite notre attention. Il en est de même pour la laïcité. Que de travail en perspective !

Pour finir, je vous engage à lire le livre de Michel Vernus qui développe son propos du jour : La République au village dans le Jura (1789-1914)

jeudi 10 janvier 2008

Invitation à Michel Vernus

Michel Vernus, le 22 janvier 2008 sur le thème : « le combat pour la République en France et dans le Jura au XIXe siècle »

Après la victoire de Nicolas Sarkozy et du néolibéralisme à la française, la gauche est un chantier en reconstruction. Pour que les femmes et les hommes de gauche et de progrès ainsi que tous les républicains reprennent en main leur avenir, il nous a semblé utile de fonder un espace politique ouvert, un forum où tous ceux qui veulent participer à cette reconstruction puissent s’exprimer et réfléchir ensemble.

Aujourd’hui, à Lons-le-Saunier, le Cercle Jean-Jaurès propose un calendrier de réunions pour le premier semestre 2008 (voir pièce jointe). La prochaine réunion publique à laquelle nous nous permettons de vous convier aura lieu le : Mardi 22 janvier 2008 à 20h au Centre social rue Pavigny de Lons

Fidèle à notre figure tutélaire, Jean Jaurès, nous avons voulu revenir à la racine de notre engagement républicain et progressiste. Pour cela, nous avons invité Michel Vernus, historien et professeur émérite de l’université de Franche-Comté, qui tiendra une conférence sur le thème : « le combat pour la République en France et dans le Jura au XIXe siècle ».

Comptant sur votre présence, nous vous adressons nos amitiés républicaines.