vendredi 10 octobre 2008

Compte-rendu de la conférence de Gaël Brustier

Les socialistes, les altermondialistes et les autres

L’écriture de mon livre (Les socialistes, les altermondialistes et les autres, éditions Bruno Leprince, septembre 2008) parachève deux moments de mon parcours politique : d’abord ma découverte de la Révolution bolivarienne au Venezuela, ensuite la campagne du référendum sur le Traité Constitutionnel européen (TCE).
Une seule question compte : Comment inscrire la gauche dans la durée au pouvoir ?

1. La Révolution bolivarienne

L’expérience vénézuélienne a été, est encore, particulièrement enrichissante. Depuis dix ans, on assiste à la libération d’un peuple par rapport à son élite qui l’a depuis toujours opprimée, délaissée et méprisée. C’est d’autant plus étonnant que c’est sur ce continent qu’ont été testées les idées néolibérales dès les années 1970. Il suffit de se souvenir du Chili d’Allende où régnaient les Chicago boys de Milton Friedman.
A partir du détonateur vénézuélien, un véritable séisme politique a fait basculer à gauche de plus en plus d’Etats d’Amérique latine : Chili, Argentine, Brésil… Il faut aussi comprendre la révolution bolivarienne dans ce contexte continental.

2. La marginalisation des forces progressistes en Europe

Saisissant contraste avec la situation sur le vieux continent. Ici, en effet, les forces de progrès sont en déclin constant et n’arrivent même pas à exister face à une droite caricaturale dans la bêtise comme le montre l’exemple italien. Encore très récemment en Autriche et en Bavière, la droite au pouvoir recul aux élections mais la gauche n’en tire aucun profit électoral.
Il s’agit bien d’un divorce entre la gauche et le peuple. Nous avons vécu, il y a trois ans, lors du référendum sur le TCE, l’énième épisode d’une rupture qui a commencé en France en 1983 au nom de l’Europe. De façon dramatique pour la gauche, comme pour l’idée européenne d’ailleurs, la conversion des élites françaises et européennes aux dogmes libéraux est concomitante de la construction d’une Europe institutionnelle sous la forme d’un méta-Etat qui tourne le dos à la démocratie.

3. Les combats à mener pour les gauches

Il faut d’abord partir des réalités. Le drame du PS aujourd’hui est de ne pas comprendre la nouvelle sociologie française qui voit les couches populaires cumuler les marginalisations sociales et territoriales et de ne pas penser la géopolitique impérialiste des Etats-Unis.
En ne développant vraiment que des thématiques sociétales, socialistes comme communistes laissent les couches populaires en déshérence et donc dans les bras d’une droite néolibérale et faussement volontariste.

4. Les impasses du référendum sur le TCE

Ce moment politique a montré à quel point les couches populaires savaient encore se politiser quand il le faut. On a vu naître une forme d’ « altermondialisme sociologique ». Les citoyens ont pu et su relier leur malaise quotidien à une logique globale (Europe-mondialisation).
Le problème a été que de cette victoire du NON, la gauche noniste n’a rien su en faire. Seule Ségolène Royal a pu, lors des dernières présidentielles, enrayer la chute du PS dans les couches populaires.

Conclusion

Il me semble que l’enjeu pour la gauche française est de savoir construire des analyses communes sur les problèmes majeurs de notre temps. A partir de cette analyse, il sera alors temps d’élaborer un nouveau « front de classe » pour avoir une assise sociale plus stable pour rester au pouvoir plus durablement.
Si j’ai, dans mon livre, fait un détour par le CERES (courant marxiste du PS de 1965 à 1986 animé par Chevènement-Sarre-Motchane), c’est justement pour donner un modèle d’organisation à l’intérieur du PS qui a su en influer la ligne dans une logique de prise de pouvoir (union de la gauche).

Le débat avec la salle

Plusieurs intervenants sont intervenus pour enrichir la réflexion :

• Le premier a mis en avant l’incapacité de la sphère altermondialiste à penser et donc se saisir du pouvoir. D’autant plus, dans une situation de balkanisation de la gauche où les déceptions des années 1980 ont délégitimé les partis au profit des associations et de l’humanitaire.

• Un autre a témoigné que les prémisses de social-libéralisme existaient dès 1981 dans certains organes de la deuxième gauche ou de la CFDT. Il s’est aussi demandé comment propager des idées alternatives au système dans un paysage médiatique autant aux ordres du pouvoir.

• Le rôle du PS ne doit pas être surestimé dans deux domaines. La représentation des couches populaires a longtemps été le cœur électoral du PC et non du PS ; de plus par rapport aux Etats-Unis, le PS a toujours été hésitant dans son histoire entre atlantisme et indépendance nationale.
Le Venezuela est un modèle au sens où le pouvoir s‘appuie sur deux piliers : les partis de gauche et le mouvement social. Il n’y a pas de séparation entre les sphères politique et syndicale. Cela pose en France le problème de la Charte d’Amiens.

• Le président d’ATTAC Jura a expliqué la forte présence dans son association des thématiques écologiques et sur la décroissance. Les partis de gauche devraient plus travailler trois thématiques essentielles : la relocalisation économique (et surtout agricole), la question du protectionnisme et une politique des transports durable.

• A la question qui lui était posée de la place des questions institutionnelles et en premier lieu celle de la 6ème République, Gaël Brustier a répondu que le projet n’était réellement intéressant que si le mandat révocatoire en faisait partie.