lundi 3 mars 2008

Invitation : Christophe Ventura

Christophe Ventura, le 25 mars 2008 sur le thème : "Et si le renouveau démocratique venait d’Amérique latine ?" en partenariat avec ATTAC Jura

Nous poursuivons notre cycle de conférence, en partenariat avec ATTAC Jura, en invitant Christophe Ventura qui a rejoint l’association altermondialiste ATTAC dès sa fondation en 1998. Il en est devenu le responsable du secteur international pour le siège de l’association entre 1999 et 2007 et il poursuit son travail au sein de la commission internationale de l’association. A ce titre, il a participé à la conception, à la promotion et à l’organisation des différents Forums sociaux depuis Porto Alegre en 2001. Depuis, il est également membre-fondateur de l'association Mémoire des luttes.

A travers ses activités et ses engagements, il a développé un intérêt marqué pour l’Amérique latine où il suit l’émergence des nouveaux mouvements sociaux et des processus de transformation sociale et démocratique en cours. Le thème de notre conférence sera donc : « Et si le renouveau démocratique venait d’Amérique latine ? »

Elle aura lieu le : Mardi 25 mars 2008 à 20h au Centre social de Lons-le-Saunier

Comptant sur votre présence, nous vous adressons nos amitiés républicaines,

samedi 1 mars 2008

Compte rendu de la conférence de Julien Landfried

La société française face au communautarisme

C’est en 2003 que j’ai fondé l’Observatoire du communautarisme dont vous pouvez suivre les travaux sur son site Internet. Il était important pour moi et pour ceux qui m’accompagnent de démasquer les risques du surgissement communautaire. Ce travail a donné naissance au livre dont je vous parlerai ce soir Contre le communautarisme paru l’année dernière aux éditions Armand Colin.

1. Définition du communautarisme

Pour reprendre la typologie de Pierre-André Taguieff (« Vous avez dit communautarisme ? », Le Figaro, 17 juillet 2003), le terme communautarisme peut avoir plusieurs acceptions :

 Mode d'auto-organisation d'un groupe social, fondé sur une parenté ethnique plus ou moins fictive (mais objet de croyance), dans une perspective ethnocentrique plus ou moins idéologisée, sur le modèle « nous versus les autres » (« nous » : les meilleurs des humains, les plus humains d'entre les humains). Communautarisme devient synonyme de tribalisme.

 Vision essentialiste des groupes humains, chacun étant doté d'une identité essentielle dont on suppose qu'elle est partagée par tous ses membres ou représentants. L'individu est réduit à n'être qu'un représentant plus ou moins typique de ce qu'on imagine être le groupe dans sa nature abstraite ou son essence. L'imaginaire communautariste partage cette vision essentialiste avec la pensée raciste ou l'idéologie nationaliste.

 Politique en faveur des identités de groupe, culturelles ou ethniques, fondée sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque et du caractère irréductiblement multiple de ces identités au sein d'une même société, toutes étant supposées également dignes de respect, donc jugées libres de s'affirmer dans l'espace social. Telle est la vision angélique du multiculturalisme, celle qu'en donnent ses partisans déclarés.

 Mais le communautarisme peut aussi désigner l'usage politique d'un mythe identitaire fondé sur l'absolutisation d'une identité collective. Ou encore caractériser une politique fondée sur le droit à la différence suivi dans toutes ses implications et radicalisé en obligation, pour chaque individu, de maintenir avant tout sa différence, c'est-à-dire l'appartenance de groupe qu'il privilégie (disons, une culture d'origine, religieuse le plus souvent, naturalisée). En ce sens, le communautarisme apparaît comme une forme de néo-racisme culturel et différentialiste.

2. Les acteurs du communautarisme

Ils sont de trois sortes :
• Les entrepreneurs communautaires, ils sont nombreux et les plus visibles se nomment : CRIF, CRAN, CFCM
• Les hommes politiques qui enfourchent, avec plus ou moins de bonnes consciences et d’intérêts électoraux, l’un ou l’autre des combats communautaires
• Les médias qui relaient complaisamment ce type de discours

De toute évidence, ces acteurs, en promouvant le communautarisme, vont dans le sens d’une rupture du principe d’égalité républicaine. Il suffit pour s’en convaincre de regarder l’actualité très récente. Quand on parle de « corsisation des emplois », on sort de la République !

3. La gauche face au communautarisme

Il semble bien que la gauche ait, depuis trente ans, changé de paradigme : elle a substitué au prolétariat la défense de toutes les communautés et de toutes les victimes d’aujourd’hui ou de l’histoire.
Le socialisme est devenu une sorte d’anti-racisme victimaire, la République une mosaïque de communautés et la France une province de l’Europe « qui elle au moins sait défendre les communautés méprisées ». Les élites françaises, et surtout celles prétendument de gauche, se sont laissé séduire par le doux chant communautaire avec d’autant plus d’élan qu’elles disqualifiaient le désir de faire France.

4. Le communautarisme comme révélateur d’une France bloquée

Le communautarisme n’a pu percer en France que par un amoindrissement de l’idéal républicain. Quand l’ascenseur social ne marche plus, l’endogamie sociale devient la norme et la ségrégation spatiale la conséquence d’une France fracturée. Le communautarisme est un supplément d’âme pour une élite de gauche qui a ouvertement abandonné le peuple.

Débat avec la salle

Les échanges avec l’assistance permettent à notre invité de préciser certains points :

• La communauté profite d’une sorte de brevet d’ancienneté, c’est en effet le modèle traditionnel d’organisation sociale. Il ne faut pas dire que la République a échouée car elle est un modèle plus jeune et très ambitieux.

• L’incapacité de la gauche a résisté aux intimidations et aux rodomontades de beaucoup d’associations communautaires révèle sa propre indétermination idéologique, comme si l’exigence républicaine était trop lourde à porter.

• Nous devons garder confiance car l’idéal républicain est résilient dans le fond de la population française. La gauche doit reprendre courage et défendre ses valeurs. Elle n’a pas le droit de substituer une société victimaire à une société de confrontation sociale.